Josué* était né pour être un «mamo», mais Dieu avait d’autres projets pour lui. Aujourd’hui, il est missionnaire et, avec d’autres croyants de son église, il visite les chrétiens vivant des villages isolés pour renforcer leur foi.
Pas facile de parler de Jésus chez Josué, un chrétien indigène de la Sierra Nevada de Santa Marta. Sa maison d’un étage en bois et en zinc se situe juste à l’extérieur de la réserve et il y a constamment des membres de la communauté indigène qui y passent sans prévenir. Il est issu d’une famille qui est très respectée par la population de la réserve, car c’est une famille de mamos – les guides spirituels indigènes – et de chefs fidèles aux traditions de leur peuple.
Tout en tissant sur un métier en bois, assis sur un banc et utilisant la seule ampoule électrique de la pièce, Josué nous raconte comment il a découvert l’Évangile. Pour les peuples autochtones, le christianisme est une croyance réservée à l’Occident et personne parmi eux ne devrait l’adopter, car il représente une menace pour leur culture.
Une vérité plus grande
Dès son plus jeune âge, Josué voulait devenir mamo afin d’aider sa communauté. Pourtant, devenu plus grand, il a senti qu’il lui manquait quelque chose. Il a quitté la maison familiale et est allé vivre avec son frère en dehors de la réserve.
Son frère lui a fait découvrir l’Évangile et la Bible. «J’ai compris que les mamos ne voulaient aider que les Arhuacos, mais qu’il y avait quelqu’un de bien plus grand qui voulait aider tout le monde. Et c’était une vérité plus grande», dit-il.
Il a décidé d’abandonner son travail de mamo, ce qui a beaucoup fâché sa famille et les chefs de tribu. «Ils ont dit à mon père que cela aurait des conséquences», raconte-t-il. Quelques mois plus tard, comme les mamos l’avaient prédit, un arbre est tombé sur lui, lui brisant une partie de la jambe et du dos. À l’hôpital, les médecins lui ont dit qu’il ne pourrait peut-être plus marcher et que la jambe devrait être amputée. Ils ont également dit à sa famille qu’il ne pourrait plus se tenir debout s’il ne redevenait pas mamo. Mais malgré tout, Josué a fait confiance en Dieu pour avoir le dernier mot.
Il raconte:
«J’ai prié: ‹Dieu, tu es avec moi, et ce n’est pas leur décision, mais la tienne. Donne-moi une deuxième chance de partir et de faire ce que tu veux de moi, car je ne veux pas que ma communauté reste sans Christ.›»
Josué
Un an plus tard, il a pu marcher de nouveau et a décidé de se rendre à Bogotá pour suivre une formation de missionnaire, sans en parler à personne.
Retour dans la communauté
Quatre ans plus tard, il est revenu et il s’est construit une petite maison en bordure de la réserve. Il a retrouvé le contact avec sa famille. Il a recommencé à travailler pour la communauté et est devenu le tisseur de costumes traditionnels le plus connu de la réserve. Son travail de tisserand était le moyen idéal de rester dans la communauté tout en partageant l’Évangile.
«La Bible nous dit d’être prudents comme des serpents et purs comme des colombes. J’ai vu que si je révélais ma foi, ils m’excluraient de la communauté et je ne pourrais plus exercer mon ministère ici.»
Josué
«Avec ces jambes», dit Josué en touchant ses genoux, le regard rempli de larmes, «je parcours la Sierra depuis maintenant sept ans pour visiter les croyants qui habitent d’autres villages, sont partis ou vivent leur foi dans l’isolement, afin les accompagner et de les fortifier.»
Josué a aussi commencé à utiliser la Bible plus intensivement et il en a traduit plusieurs livres en langue indigène. Il a également réalisé des audios bibliques pour apporter l’Évangile dans des communautés où l’espagnol est peu répandu.
Un groupe de croyants clandestins
Grâce à son témoignage, quelques indigènes sont devenus chrétiens et ont formé un groupe de missionnaires clandestins travaillant à fortifier les croyants dans d’autres communautés.
Aujourd’hui, le groupe se réunit secrètement dans la réserve pour enseigner aux chrétiens d’autres communautés comment partager l’Évangile avec prudence. «Nous nous réunissons dans la forêt, dans une grotte ou près d’un ruisseau, afin de ne pas être découverts. Nous avons aussi un lieu de rencontre que nous appelons ‹La Huida› (‹La fuite›), car nous autres chrétiens sommes toujours en fuite», explique-t-il.
Josué a pour rêve que, grâce au travail missionnaire de son groupe, beaucoup d’Arhuacos trouvent Jésus.
Un projet missionnaire clandestin
À La Huida, les croyants clandestins ont aussi commencé à se préparer à porter l’Évangile dans d’autres communautés, à prêcher en secret et à fortifier les croyants qui vivent dans des endroits isolés.
Josué et d’autres membres du groupe se réunissent parfois pour préparer un message biblique et l’apporter ensuite aux chrétiens qui vivent loin de là, haut dans les montagnes. «Nous étudions le sujet à l’avance afin de ne pas devoir prendre avec nous de bible, de livres ni de bandes sonores, afin de ne pas être découverts», dit-il.
Les missionnaires appellent cela «La Red» (le réseau). Ils ont commencé à chercher des chrétiens d’autres régions qui s’étaient éloignés de l’Évangile ou qui pratiquaient leur foi en secret, afin de les accompagner et de les fortifier. Ces chrétiens se sont rendus à leur tour dans des régions plus éloignées, ce qui a permis à une grande partie des croyants vivant dans la Sierra d’entrer en contact les uns avec les autres.
Les missionnaires du réseau font parfois jusqu’à 12 heures de marche pour rejoindre des croyants. Cela dure depuis sept ans maintenant et ils ont accompli de grandes choses. Ils ont atteint même des endroits très reculés comme Naucima et ont instruit une vingtaine de personnes sur la manière de partager l’Évangile.
Ces dernières années, il est devenu encore plus difficile de se réunir, depuis que quelques jeunes ont été arrêtés alors qu’ils se rendaient à La Huida sans raison valable. Josué et d’autres membres du réseau ont alors mis au point une série de stratégies pour aider les croyants à ne pas éveiller les soupçons.
«Nous avons vu qu’il ne suffisait pas que le travail missionnaire soit secret et avons donc décidé de créer une plantation afin d’inviter les gens à venir y travailler. Certains viennent de loin pour cela», explique Josué.
Grâce à ce projet, soutenu par Portes Ouvertes depuis fin 2022, les croyants peuvent entrer et sortir de leurs communautés beaucoup plus librement.
Les femmes ont développé leur propre méthode pour se rencontrer et partager l’Évangile. Grâce à un projet de tissage de sacs à dos, elles veulent non seulement rencontrer d’autres femmes pour parler de l’Évangile, mais aussi générer un revenu pour soutenir les activités missionnaires de l’Église. Le tissage de sacs à dos est une des coutumes les plus traditionnelles des femmes arhuacas. Cela a permis de faire connaître le projet à des non-croyantes et donné aux chrétiennes l’occasion de partager l’Évangile avec elles.