Une nouvelle loi entrée en vigueur le 1er février risque de provoquer la fermeture de nombreuses églises au Kirghizistan. Elle s’inscrit dans la volonté de l’ancien État soviétique de restreindre les libertés religieuses. L’an dernier, selon l’Index mondial de persécution de l’ONG Portes Ouvertes, le Kirghizistan est le pays dans lequel la situation des chrétiens s’est détériorée le plus massivement.
L’ancien État soviétique du Kirghizistan s’entête dans sa volonté de restreindre les libertés religieuses. Une première loi devait remplacer celle en vigueur depuis 2008, mais elle a été rejetée par le Parlement en octobre 2023. Alors, le gouvernement est revenu à la charge avec un projet encore plus restrictif, qui est entré en vigueur le 1er février 2025 (
la nouvelle loi a été approuvée par le parlement le 26 décembre 2024 et signée par le président le 22 janvier 2025).
Les églises de moins de 500 membres deviennent illégales
La nouvelle loi sur la religion implique que toutes les communautés religieuses du pays devront être enregistrées auprès des autorités pour obtenir un agrément, qu’il faudra renouveler tous les cinq ans. Pour l’obtenir, il faudra présenter un nombre très élevé de signatures de membres. De fait, la loi sur la religion
interdira aux communautés comptant moins de 500 membres adultes d'exister légalement.
Violation de la vie privée
Les communautés qui n’arriveront pas à fournir toutes ces signatures perdront jusqu’au droit de prédication et d’enseignement à destination des adultes ou des enfants. Un protestant kirghize s’inquiète: «Je crains que beaucoup d’églises ne soient fermées.»
Car dans le pays, la récolte d’autant de signatures est une mission quasi impossible. Non que ces chrétiens membres d’églises n’existent pas, mais parce qu’ils préfèrent rester anonymes, car ils craignent la violation de leur vie privée par les autorités, par des mises sur écoute, notamment.
Le Kirghizistan au 47e rang des pays les plus hostiles aux chrétiens
Plusieurs pays d’Asie centrale voient les libertés individuelles menacées par des gouvernements autocratiques, mais c’est au Kirghizistan que la situation s’est aggravée le plus fortement l’an dernier. Son score dans l
'Index mondial de persécution a augmenté de 7,5 points (sur une échelle comptant 100 points), le pays gagnant 14 rangs au classement pour se situer au 47e rang, réintégrant le top 50 pour la première fois depuis 2013. Il s’agit de la plus forte aggravation de la situation d’un pays cette année.
«Avant l'arrivée au pouvoir de l'actuel président Sadyr Japarov en janvier 2021, le Kirghizistan était connu pour être le pays le moins autoritaire d'Asie centrale», relève Rolf Zeegers, analyste du
World Watch Research, le département de recherche de Portes Ouvertes. Depuis, le pays a connu une forte augmentation de la violence contre les églises, notamment par des attaques à coups de pierres ou des irruptions de groupes violents dans les lieux de culte.
Discrimination spécifique pour les chrétiens d’origine musulmane
Le pays est composé de 86% de musulmans. Aux pressions du gouvernement s’ajoutent des discriminations spécifiques en direction des ex-musulmans devenus chrétiens. Jan de Vries, chargé de recherche pour l’Asie centrale au
World Watch Research, explique que «ce qui se passe le plus souvent, c'est que les femmes musulmanes qui deviennent chrétiennes sont prises pour cible. Il existe plusieurs exemples de ces croyantes qui sont battues et menacées par leur mari. Dans plusieurs cas, elles ont été expulsées de leur maison avec leurs enfants. Des femmes non mariées ont également été menacées de ne plus faire partie de la famille et de la société si elles n'abandonnaient pas leur nouvelle foi en Jésus.»
La clandestinité comme échappatoire
De manière générale, les croyants d'arrière-plan musulman se rassemblent dans de petites églises de maison. Ils ne veulent pas être enregistrés, parce qu'ils ne veulent pas être connus du gouvernement. «Nous voyons donc qu'il y aura un mouvement plus clandestin d'anciens musulmans, qui ont peur d'être persécutés par leurs familles musulmanes, par la société musulmane, mais aussi par le gouvernement», conclut Jan de Vries.