Communiqué de presse Nigeria | 03 septembre 2024

Survivants de Boko Haram: Les chrétiens du Nigeria sont privés de soutien dans les camps de déplacés

 

 
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Le nouveau rapport de recherche de Portes Ouvertes sur la situation des chrétiens déplacés au Nigeria dresse un tableau dramatique des conditions de vie des victimes des violences dans le nord-est du pays, en particulier dans l’État de Borno. La négligence systématique dans l’attribution de nourriture et de matériel de secours, l’absence de perspectives d’amélioration de leurs conditions, le risque persistant d’enlèvement et de rançon, et parfois même l’impossibilité d’avoir accès à un abri sûr sont quelques-unes des conséquences pour les chrétiens qui ont été chassés de force et privés de leurs moyens de subsistance. 

De nouvelles recherches menées par Portes Ouvertes, ONG de soutien aux chrétiens persécutés, révèlent une «discrimination systématique» à l'encontre des chrétiens qui ont dû fuir les extrémistes de Boko Haram dans l'État de Borno, au nord-est du Nigeria. Le rapport «No Road Home» met en lumière la situation dans cet État, ainsi que dans celui du Plateau, au centre du Nigeria, et se base sur des recherches contextuelles ainsi que sur des interviews de survivants déplacés, dont certains ont assisté à l'assassinat brutal de leur conjoint parce qu'ils ne s'étaient pas convertis à l'islam. Il montre que les chrétiens vivant dans des camps provisoires se voient régulièrement refuser de l'aide, parfois simplement parce qu'ils ont des noms à consonance chrétienne.   

Des millions de personnes déplacées dans le seul État de Borno 

Selon l'Organisation internationale pour les migrations (OIM) des Nations unies, plus de deux millions de personnes ont été déplacées dans le nord-est du Nigeria, principalement en raison d'attaques extrémistes violentes. Cet Etat abrite 80% des personnes déplacées de toute cette région. 

John Samuel*, expert juridique de Portes Ouvertes pour l'Afrique subsaharienne, explique: «Nos recherches dressent un tableau choquant des conditions de vie des chrétiens, dont la vie a déjà été fortement ébranlée par les attaques dévastatrices de terroristes comme Boko Haram et ISWAP (Branche ouest-africaine de l'État islamique). Notre rapport montre que les chrétiens sont systématiquement discriminés, délibérément négligés et marginalisés dans les camps spécialement conçus pour les personnes déplacées à l'intérieur de leur propre pays (IDP).   

Nous avons entendu dire des survivants à plusieurs reprises que les chrétiens se voyaient délibérément refuser la «carte de papier blanc» qui aurait prouvé leur droit à recevoir l'aide humanitaire du gouvernement national. Nous avons entendu que des chrétiens devaient faire la queue pendant des jours dans l'espoir d'obtenir de la nourriture, pour finalement se voir refuser l'entrée à un camp et à de l'aide.   

Il nous a été rapporté que les bons d’aide alimentaire sont souvent attribués à des chefs traditionnels qui privilégient les membres de leur propre communauté et ignorent les chrétiens. La distribution de l'aide est souvent planifiée le dimanche matin, ce qui signifie que les personnes qui assistent à un service religieux le dimanche ne reçoivent rien.  

Les chrétiens sont loin d'être les seules personnes dont la vie a été déracinée et déstabilisée par Boko Haram et d'autres terroristes. Mais la vulnérabilité des chrétiens, qui sont déjà traités comme des citoyens de seconde zone dans de nombreux États du nord du Nigeria, est considérablement accrue par les attaques des extrémistes islamistes.»  

Pas d'accès aux camps pour les chrétiens 

Le rapport «No Road Home: Christian Internally Displaced Persons (IDPs) Displaced by Extremist Violence in Nigeria» (Pas de retour possible: les chrétiens déplacés internes par la violence extrémiste au Nigeria) indique que les chrétiens de Borno «considèrent que le gouvernement local et ses fonctionnaires sont responsables du traitement injuste et de la discrimination fondée sur la foi, notamment en ce qui concerne l'accès aux abris, à l'aide humanitaire, à l'éducation et à l'emploi».  

Certains survivants n'ont pas vu d'autre solution que de se convertir à l'islam ou de dissimuler délibérément leur foi pour avoir accès à l'aide disponible. Un déplacé interne chrétien du gouvernorat de Gwoza raconte: «Il y a beaucoup de camps différents. Dès que vous entrez dans un camp et qu'ils découvrent que vous êtes chrétien et que vous ne vous convertissez pas pour devenir musulman... on doit quitter le camp. Lorsque les chrétiens sont arrivés à Maiduguri (ndlr : la capitale de l'État) et ont commencé à entrer dans les camps, ils devaient se convertir s'ils n'étaient pas musulmans. Il fallait se convertir avant d'être accepté dans le camp.» 

Un collaborateur d'une organisation humanitaire a en outre rapporté aux chercheurs que, bien que les noms des chrétiens déplacés figurent dans les évaluations de vulnérabilité, ils sont remplacés par des noms de musulmans lors de la distribution de l'aide.    

En raison des difficultés rencontrées dans les camps officiels gérés par le gouvernement, les chrétiens vivent pour la plupart soit dans des camps informels, soit dans les villages environnants qui sont prêts à les accueillir. Même dans ce contexte, il est difficile d'obtenir de la nourriture, car les survivants rapportent que le gouvernement de l'État empêche de nombreuses organisations d'y distribuer de l'aide.  

Le retour entraîne de nouveaux dangers 

Un retour d’exil n'est souvent même pas envisageable. John Samuel constate: «Les chrétiens qui osent ne serait-ce qu'envisager un retour dans les villages qu'ils ont fuis doivent s'attendre à une multitude de dangers. Certaines régions sont désormais des bastions de Boko Haram, d'autres sont devenues des champs de bataille entre les militants islamistes et l'armée nigériane, d'autres encore sont truffées de mines, et dans certaines régions, des déplacés internes musulmans ont été installés précisément là où vivaient autrefois des communautés chrétiennes.  

Même si les chrétiens parviennent à rentrer chez eux et à poursuivre leurs activités agricoles, ils sont vulnérables à de nouvelles attaques. Les extrémistes peuvent forcer les gens à faire leur service militaire ou, lorsque des chrétiens sont enlevés, ils doivent répondre à des demandes de rançon plus élevées que leurs concitoyens musulmans. Dans d'autres cas, les terroristes islamistes demandent aux personnes qui reviennent de payer l'impôt de la jizya - une sorte de protection - pour pouvoir à la fois pratiquer l'agriculture et conserver les récoltes.»  

Selon les personnes interrogées, les enlèvements constituent un risque sécuritaire majeur dans l'ensemble de l'État de Borno. Bien que cela représente également un risque pour les musulmans, les personnes interrogées expliquent qu'ISWAP demande des rançons plus élevées pour les chrétiens enlevés que pour les musulmans, allant parfois jusqu’au double du montant. Pour les responsables religieux et les pasteurs, les montants des rançons sont encore plus élevées.  

Appel pressant à l'égalité de traitement et au soutien 

Le Nigeria se classe au 6ème rang de l’Index mondial de persécution de Portes Ouvertes, le classement annuel des pays où les chrétiens sont le plus persécutés et discriminés en raison de leur foi.  

«À la lumière de notre rapport, nous appelons le gouvernement nigérian à demander au gouvernement régional de l'État de Borno de veiller à ce que toutes les personnes déplacées à l'intérieur du pays reçoivent le soutien dont elles ont besoin, indépendamment de leur âge, de leur sexe, de leur religion ou de leurs convictions», résume John Samuel à propos des conclusions du rapport. «Nous appelons les organisations humanitaires sur le terrain à impliquer les responsables et organisations chrétiennes locales dans la prise de décision et la coordination de l'aide humanitaire.  

De plus, les programmes et les financements actuels ne sont pas suffisants pour répondre aux besoins causés par l'escalade de la crise au Nigeria. Nous demandons aux organisations humanitaires internationales de reconnaître que les convictions religieuses des personnes déplacées peuvent accroître leur vulnérabilité. En outre, nous demandons que l'éducation religieuse du personnel des camps de personnes déplacées, des organisations humanitaires et des autorités soit encouragée afin d'éviter tout traitement discriminatoire contraire aux principes humanitaires fondamentaux et de garantir l'égalité de traitement indépendamment de l'âge, du sexe, de la religion ou des convictions». 

 * Nom modifié pour des raisons de sécurité

 


 

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